Le plein air peut-il être un vecteur d’intégration pour les populations immigrantes?
12.20.2019
Jean-Marc Adjizian, Observatoire québécois du loisir
La question de l’immigration et de l’intégration des populations immigrantes prend de plus en plus d’ampleur. La nécessité de construire des stratégies permettant le développement d’interactions interethniques et interculturelles se fait sentir tant au niveau des politiques publiques qu’à celui des sciences sociales.
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Le loisir, pris dans son sens large, semble être un vecteur permettant ce type d’échange. De plus, les activités de loisir semblent être propices à l’apprentissage de l’individu immigrant des codes et référents de sa société d’accueil. Cependant, peu d’études portent sur la relation entre le loisir et l’adaptation des nouveaux arrivants. Stodolska, Peters et Horolets se penchent donc sur cette question et, plus précisément, sur l’effet que peut avoir le loisir pratiqué dans les environnements naturels sur l’adaptation des immigrants.
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Les auteurs définissent ce concept d’adaptation comme étant les résultats à long terme de l’acculturation, soit du contact direct et continu entre minimum deux groupes culturels. Ce contact devrait mener à des changements d’ordre culturel, social, physique, politique, biologique et économique chez les populations immigrantes, mais également chez la communauté majoritaire. Il peut résulter de cette adaptation des effets positifs tels que l’amélioration de la relation entre l’individu et son environnement ou une plus grande aptitude chez ce dernier à se prendre en main, mais également des effets négatifs comme une incapacité à fonctionner dans sa société d’accueil. Le phénomène d’adaptation peut prendre deux formes, soit l’adaptation psychologique liée au bien-être émotif et psychologique, et l’adaptation socioculturelle qui comprend l’acquisition de connaissances et de compétences permettant une meilleure évolution dans un nouvel environnement social et culturel.
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Afin d’atteindre les objectifs de leur recherche, les auteurs utilisent une méthodologie d’études de cas comparatives portant sur six groupes d’immigrants résidant aux Pays-Bas, en Allemagne, en Pologne et aux États-Unis. Ces immigrants provenaient d’Amérique du Sud, de Chine, d’Ukraine, du Vietnam, du Maroc et de Turquie. En tout, les chercheurs ont effectué 70 entrevues auprès d’immigrants adultes de première génération.
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Bien que cette étude ne soit qu’exploratoire, les résultats qu’elle met de l’avant sont intéressants. Du point de vue de l’adaptation psychologique, il semblerait que l’un des effets majeurs du temps libre passé en nature est la réduction chez les immigrants du stresse lié à l’acculturation. L’environnement naturel tend à avoir un impact positif sur les immigrants expérimentant une difficulté d’adaptation à leur nouveau milieu en leur permettant de se remémorer les milieux naturels de leur société d’origine. Les environnements naturels permettent ainsi de créer un équilibre entre « la nouveauté et la familiarité ». Cet équilibre, sur le long terme, permet à certains individus de s’acclimater à leur nouvelle société et de développer un sentiment d’attachement aux environnements naturels reliés à des aspects positifs de leur nouvelle vie. Ces espaces deviennent des lieux de rassemblement pour les familles et amis, ce qui engendre des souvenirs renforçant ainsi l’attachement au lieu. Pour d’autres, ce type d’environnement procure l’effet inverse. En effet, chez certains immigrants, le paysage naturel, lorsqu’il est très différent de celui du pays d’origine, va plutôt créer de la nostalgie et affecter leur bien-être psychologique.
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D’un point de vue socioculturel, la visite des espaces naturels permet aux immigrants et nouveaux arrivants de mieux saisir les codes, les référents et les habitudes de vie de la communauté d’accueil. Cependant, elle les confronte également avec les différences observables entre leur société d’accueil et leur société d’origine, notamment en ce qui concerne les modes de vie de loisir. L’utilisation de ce type d’environnement pour des fins de loisir ne semble pas permettre l’émergence de relations interculturelles, du moins, pas de relations qui puissent perdurer à long terme. L’interaction entre individus de différente culture dépend principalement des aspects culturels (bagage culturel semblable), individuels (la personnalité, l’âge de l’immigration et le temps passé dans la société d’accueil) et l’environnement dans lequel la pratique s’effectue (peu propice aux échanges).
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L’étude de Stodolska, Peters et Horolets est intéressante par son approche. Elle est l’une des rares à s’intéresser aux effets psychologiques et sociaux de la pratique chez les immigrants de loisirs dans des environnements naturels, et ce à travers une étude comparative. Les résultats démontrent que le plein air tend à avoir davantage d’effets sur l’adaptation psychologique que sur l’adaptation socioculturelle. Cependant, ces résultats sont complexes et parfois contradictoires. Plusieurs dimensions (individuelle, environnementale, structurelle, sociale, etc.) entrent en jeu lorsque vient le temps d’analyser la relation entre l’individu immigrant, sa pratique du plein air et son intégration sociale dans sa société d’accueil.
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Synthèse de l'article :
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Stodolska, M., Peters, K. & Horolets, A. (2017). Immigrants’ Adaptation and Interracial/Interethnique Interactions in Natural Environments, Leisure Sciences, 39(6), 475-491. doi.org/10.1080/01490400.2016.1213676
On peut faire cours dehors?
04.03.2019
Leïla Mostefa-Kara, Observatoire québécois du loisir
Selon l’étude de Largo-Wight et de ses collaborateurs (2018), les classes extérieures seraient propices à améliorer le bien-être et la capacité d’apprentissage des enfants.
De plus en plus de recherches dévoilent l’importance de passer du temps dehors pour les jeunes. Dans un contexte éducatif, les élèves qui sortiraient le plus et profiteraient de la nature seraient plus en santé, mais aussi plus heureux et attentifs.
Depuis 2005, une constatation notoire est apparue : nous serions de moins en moins connectés à la nature selon le livre intitulé "Last Child in the Woods: Saving our children from nature deficit disorder" (Louv, 2005).
Pourtant, il est démontré que le temps passé en pleine nature favoriserait une bonne santé, stimulerait l’apprentissage des enfants et améliorerait autant la concentration que les habiletés sociales. Cela pourrait même aller jusqu’à influencer la pratique d’activité physique, et par conséquent, aider à maintenir une bonne santé physique en général. En d’autres termes, le plein air aurait un impact sur la santé globale et surtout, serait propice à contribuer au bien-être. Pour leur étude, Largo-Wight et ses collaborateurs ont retenu la théorie selon laquelle la nature aurait la capacité de stimuler des zones du cerveau, qui ont parfois tendance à être laissées de côté, pour ainsi restaurer notre attention. Les auteurs complètent cette perspective théorique en considérant que la nature permettrait d’atténuer le stress en éloignant notre attention de certains facteurs qui en sont la cause. Réduire ce stress dès le plus jeune âge permettrait aux enfants de grandir de façon épanouie, tout en prévenant les problèmes de santé et les difficultés d’apprentissage, qui peuvent persister à l’âge adulte.
Même si plusieurs études ont déjà certifié l’impact positif des périodes d’apprentissage en pleine nature pour les élèves, la plupart des recherches ont été effectuées en Europe et peu en Amérique du Nord.
Ces chercheurs américains ont donc souhaité mesurer les impacts d’une immersion dans la nature dans un contexte scolaire, en comparant une classe donnée en plein air à une classe traditionnelle donnée à l’intérieur. À noter que ces deux classes proposaient exactement les mêmes matières de cours. L’étude s’est déroulée sur une période de six semaines, incluant deux classes de maternelles qui provenaient d’une école publique élémentaire du Sud-Est des États-Unis. Dans chaque classe se trouvaient 18 enfants âgés de cinq à six ans, soit en tout, 36 jeunes.
L’objectif était d’analyser l’impact des périodes d’apprentissage à l’extérieur, en observant comment ces leçons étaient reçues par les jeunes. À l’aide de plusieurs instruments (observations, questionnaires adressés aux enfants et aux professeurs), les chercheurs ont ressorti des points caractéristiques.
Bien que les observations restent modestes et qu’il est difficile de parler de résultats remarquables, il a été établi que durant les classes extérieures, les professeurs avaient moins besoin de reprendre les élèves quant à leur comportement entraînant de l’inattention. Selon cette étude, les enfants semblaient également plus concentrés et de tels résultats obtenus seraient directement liés à l’exposition à la nature. Selon les chercheurs, il était intéressant de voir que les jeunes ne semblaient pas distraits par les bruits extérieurs, tels qu’un camion au loin qui passait, ou encore par un oiseau qui venait chanter tout près d’eux. Alors que dans la classe donnée à l’intérieur, les élèves semblaient être davantage dérangés par les bruits quotidiens comme celui d’une porte.
De plus, les professeurs ont remarqué une amélioration sur le bien-être des enfants, ainsi que sur leur enthousiasme. Toutefois, l’analyse réalisée auprès des élèves ne démontre aucune différence significative entre la classe extérieure et la classe intérieure. En effet, les élèves pouvaient donner leur avis sur leur état d’âme, en répondant par le biais d’icônes de style bonhomme sourire à la question suivante : « Comment vous sentez-vous aujourd’hui? ».
Finalement, cette expérience démontrerait l’effet positif de la pédagogie en plein air sur le climat de la classe, sur la capacité attentionnelle des élèves ainsi que, modestement, sur l’atteinte d’un bien-être. Selon les chercheurs de cette étude, ce type d’éducation contribue non seulement à améliorer quelque peu la santé des enfants, mais favorise également l’apprentissage.
Synthèse de l’article scientifique de :
Largo-Wight, E., Guardino, C., Wludyka, P. S., Hall, K. W., Wight, J. T., & Merten, J. W. (2018). Nature contact at school: The impact of an outdoor classroom on children’s well-being. International Journal of Environmental Health Research, 28(6), 653-666. doi:10.1080/09603123.2018.1502415
La marche en milieu naturel et le bien-être psychologique : une étude québécoise
04.03.2019
Valérie Hervieux, M.Sc., étudiante, Secteur du loisir et du sport, MEES
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Louv (2008) et Cardinal (2010) soulignent que le mode de vie urbain et moderne coïncide, entre autres, avec l’augmentation des problèmes de santé mentale. Ces auteurs attribuent principalement cela au manque d’activités physiques, mais également à la diminution du contact avec la nature. Selon Statistique Canada (2013), environ 81 % de la population québécoise vit en milieu urbain. Au Québec, seulement 54,6 % des adultes âgés de 18 ans et plus seraient actifs physiquement (Statistique Canada, 2012, cité dans Nolin, 2015). C’est donc en réfléchissant aux enjeux du mode de vie urbain et sédentaire que Vincent Bergeron a, dans le cadre de sa maîtrise en psychopédagogie à l’Université Laval, conduit un projet de recherche sur les effets bénéfiques de la marche en milieu naturel sur le bien-être psychologique. Il s’est intéressé à la marche en milieu naturel puisqu’elle aurait à la fois le potentiel d’augmenter la pratique d’activités physiques et de favoriser le contact avec la nature.
Pour y arriver, deux groupes de participants ont été recrutés. L’un des groupes a d’abord marché à l’intérieur à raison de 150 minutes (réparties sur environ 5 séances) par semaine, et ce, pendant quatre semaines. Pendant ce temps, l’autre groupe de participants marchait aussi environ 150 minutes par semaine, mais en milieu naturel (dans une forêt située sur le campus universitaire). Après les quatre semaines, les marcheurs ont pris une semaine de pause. Ils ont ensuite repris la marche, mais dans l’autre environnement. Différentes variables associées au bien-être psychologique, soit l’humeur, l’anxiété, les symptômes dépressifs et la fatigue, ont été mesurées avant et après chaque période de quatre semaines.
Les résultats obtenus suggèrent que la pratique de la marche, qu’elle soit réalisée à l’intérieur ou en milieu naturel, offre des bénéfices similaires en améliorant l’humeur et en diminuant les symptômes dépressifs et la fatigue. Ce qui est intéressant, c’est que les résultats obtenus pour l’anxiété suggèrent que l’anxiété serait perçue significativement moins élevée par les participants lorsque les séances de marches étaient réalisées en milieu naturel que lorsqu’elles étaient réalisées dans un milieu intérieur (P = 0,02). Bien que cette étude comporte quelques limites, tels qu’un petit nombre de participants, les résultats sont encourageants et représentent une raison de plus pour participer à des activités de plein air. Cela est d’autant plus stimulant puisque la marche est une activité accessible, peu coûteuse et qu’il est possible de la réaliser en milieu naturel, tout en étant en milieu urbain.
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Références :
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Cardinal, F. (2010). Perdus sans la nature – Pourquoi les jeunes ne jouent plus dehors et comment y remédier, Québec Amérique, 201 p.
Louv, R. (2008). Last child in the woods: Saving our children from nature-deficit disorder, Algonquin Books of Chapel Hill, 390 p.
Statistique Canada (2013). Population urbaine et rurale, par province et territoire (Québec). Repéré le 27 février 2018 à : https://www.statcan.gc.ca/tables-tableaux/sum-som/l02/cst01/demo62f-fra.htm
Statistique Canada. Tableau 13-10-0096-01 Caractéristiques de la santé des canadiens, estimations annuelles. Repéré le 28 février 2019 à : https://www150.statcan.gc.ca/t1/tbl1/fr/tv.action?pid=1310009601